Louis Vogel était invité par Julien Brochot, avocat en droit pénal des affaires et procédure pénale, à l’Ecole supérieure des métiers du droit, pour débattre avec Christophe Korell, ancien officier de police judiciaire, criminologue et président fondateur de l’association Agora des citoyens.

L’actualité portait sur la proposition de la loi Narcotrafic et la création d’un parquet dédié mais, plus généralement, il s’agissait aussi de dresser un état des lieux du fonctionnement de notre Justice et de ses moyens.

Louis Vogel a ainsi pu commenter : « Notre justice n’est pas laxiste, c’est notre système répressif qui n’est pas efficace, en ce qu’il condamne trop tard ou pas du tout. Notre justice est encore trop lente. »

Malgré de réelles avancées ces dernières années, le délai moyen des procédures correctionnelles en 2021 atteint encore 9,5 mois, celui des classements sans suite 10,2 mois. La même année, en matière criminelle et en première instance, le délai moyen entre le début de l’instruction et le prononcé de la condamnation s’élève à 49,4 mois !

En outre, 100 000 peines de prison attendent d’être exécutées chaque année et un quart d’entre elles environ ne le sera jamais.

Si les contraintes financières qui pèsent sur la France empêchent la poursuite de la politique pénale menée actuellement et nécessitent une réflexion profonde sur les objectifs et les moyens, elles n’empêchent pas d’envisager de vraies réformes.

La conférence nationale des procureurs de la République a, par exemple, a fait des propositions intéressantes pour améliorer le fonctionnement de la justice pénale, comme la simplification des procédures d’enquête, la dépénalisation d’infractions qui peuvent être traitées par d’autres moyens, réserver l’aménagement des peines aux délinquants qui offrent des gages sérieux de réinsertion

Louis Vogel avance les propositions suivantes :

1. À côté des mesures prises pour traiter la grande délinquance, comme le parquet national sur le narcotrafic, il faut instaurer une véritable justice de proximité qui aura pour mission de répondre rapidement à la délinquance du quotidien. Pour cela, il faut revoir la gradation des peines et adapter la réponse pénale au public.

La méthode : les juges devraient être accompagnés dans leur prise de décision par un collège de sachants (criminologue, psychologue…) afin de prononcer la sanction la plus adéquate.
Il faut désormais une approche qualitative de la peine.

2. L’exemple des Pays-Bas est éloquent : le pays est passé d’environ 20.000 détenus en 2004 à 11.000 en 2020. Le gouvernement néerlandais a en effet réformé sa politique pénale au début des années 2000 pour mieux tendre vers les standards européens pour plus d’efficacité et de rapidité dans les procédures pénales. Aujourd’hui, si la justice néerlandaise envoie en prison pour des durées plus courtes, elle le fait aussi plus souvent (23% des condamnations contre 15% en moyenne en Europe). Autre différence significative, les peines alternatives à la prison, comme les travaux d’intérêt général ou la probation, sont plus nombreuses et mieux appliquées aux Pays Bas. En toute logique, on peut conclure que la certitude d’une peine a un effet dissuasif, et la politique pénale néerlandaise a réussi à faire baisser la petite et moyenne délinquance.

3. Les moyens du Plan 15 000 peuvent être redéployés afin de différencier les modèles de prison et renforcer les mécanismes de peines alternatives (un placement en milieu ouvert coûte 5 à 6 euros par jour contre 130 euros pour une journée en détention) et l’accompagnement des jeunes condamnés, notamment la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Et Louis Vogel de conclure :

« Profitons des contraintes qui pèsent sur nous pour réformer le système pénitentiaire et avec lui notre chaîne pénale. Tout d’abord, respectons les engagements pris envers les personnels de justice, seul moyen de renforcer l’attractivité des métiers. Enrichissons les missions de nos agents en les faisant participer à l’aménagement des peines et en créant un vrai régime de placement à l’extérieur. Ce que l’on voit, c’est qu’une justice qui n’est pas bien organisée, qui n’est pas performante, ne peut pas produire des choses exceptionnelles. C’est une justice qui est sous pression. Il y a une crise du sens qui est ressentie de l’intérieur, nous pouvons nous réformer de l’intérieur. »

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